Duo de fraises à la gelée de groseilles et queues de capucines

Ne perdez pas votre temps à épépiner à l'aiguille, comme étaient condamnées à le faire les marmitonnes du roi Soleil, vos kilos de belles groseilles rouges. Contentez-vous de les presser à froid au travers d'une étamine pour en récolter le jus dans une large bassine que vous exposerez aux ardents rayons du soleil d'août, entre aurore et crépuscule: la gélification se fera simplement, naturellement, miraculeusement.

Dans l'entre-temps, partez en maraude pour cueillir, dans les jardins voisins, un plein panier de fleurs de capucines rouges, oranges et jaunes aux cornues remplies d'une voluptueuse goutte de miel. Revenu dans votre tanière, jetez votre récolte dans une casserole où vous aurez chauffé du sucre blond de canne au petit boulé. Après trois minutes, retirez les fleurs et laissez les, une à une, se glacer sous leur croûte de sucre.

Quand la pleine lune sera au zénith, réchauffez légèrement votre potion couleur de sang pour la liquéfier et noyez-y vos belles emmiellées. Transvasez dans de petits pots à confiture transparents que vous couvrirez d'une nappe de paraffine teintée fuschia et rangez-les dans la cave entre vos bouteilles de Bordeaux et Bourgogne millésimées.

Mais les fraises?

Pour cela, il vous faudra patienter jusqu'au jour où votre mie viendra se déshabiller et se coucher au soleil de votre clairière pour, pendant qu’elle bronze, fermant les yeux et entrouvrant les lèvres, chapeauter la pointe de chacun de ses seins - surnommées en d'autres temps par les poètes moyen-âgeux mais pas gâteux, "fraises" - d'une capucine gélifiée de plaisir et ...

Et le reste du pot et tous les autres petits pots ?
Conservez les soigneusement pour en tartiner vos tranches de pain gris ou y treper vos madeleines les jours de solitude : il n'est plus merveilleux remède contre la mélancholie !

 

                                                                              [[Bréviaire d'Érotomanie Gourmanderetour au bréviaire]]