PETITE HISTOIRE POUR LES QUIDAMS QUI ADORENT SE CRAVATER

De Paul Gonze
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Flatté, mais flatté qu’il est, l’anartistpapouêtpourunsou d’être invité par son ami l’aristochat qui se la joue cul-terreux des tropiques et qui se rengorge déjà à l’idée de se dindonner cravaté comme son papa lui avait appris à si bien le faire pour sa première communion !


Néanmoins, plus d’une question le turlupine en cette époque où les plus vénérables traditions sont battues en brèche par les vents - ou les pets - capricieux de la mode: sa cravate, devrait-il la porter glissée dans sa ceinture par dessus le fond de son pantalon pour une espèce de grand jeu scout dont le but est de s'attraper la queue entre la poire et le fromage ? Ou nouée sur le front à la mode des iroquois, mais sans avoir à en redresser fièrement les extrémités comme une paire de plumes d’aigle impérial ? Ou tirebouchonnée en toute simplicité de pendu autour du cou, façon col romain, dans une couleur assortie à son bleu de travail de sans-culotte ?


Un peu inquiet dès lors car il a, dans sa jeunesse, fréquenté un pub à Oxford, sans doute aussi sélect que le Club de Neuf Cents Nonante Neuf, dont les murs étaient tapissés de milliers de bouts de cravates, métaphores de ces étuis péniens habillant les aborigènes de Papouasie, et que le barman, avec des ciseaux dorés de castrateur, s’empressait de couper au nez ou à la barbe des étrangers inadéquatement parrainés.


Mais audacieux, que dis-je téméraire qu'il est pourtant de braver de tels périls car trop-heureux de se voir prié (bien qu’athée plutôt que café au lait) et acceptant subséquemment l’invitation! Se disant qu’il pourra toujours faire comme son maître à penser, le dadaïste surréalisant Marcel Marien qui, refoulé à la porte d’un diner auquel il avait été convié parce qu’il ne portait pas de veston, revint un quart d’heure plus tard dans un gris passe-muraille de la plus belle coupe… pour, quand la soupe fut servie, en verser des pleines cuillérées dans ses multiples poches puis de répondre à la maitresse de maison qui s’étonne de cet indigeste rituel gastronomique : « Mais Mâdâme, n’est ce pas mon complet que vous avez invité ! La plus élémentaire politesse ne prescrit-elle pas que ce soit donc lui qui se délecte de vos faveurs ? »


Il n'est dès lors pas exclu que notre drôle se sente autorisé à de même humecter délicatement sa chose en chantant : « Marie, trempe ton pain dans ton vin… ».


plutôt qu'avec des croutons de mots bien plus croustillants?

  

  
PS: Mais espère-t-il encore être invité par pareils amis, ce drôle? Lui qui, prié de commémorer le bicentaire de la Révolution française lors d'une mascarade organisée par la fraternelle des "Petits de Et Autres Fonds De Châteaux" " s'y est présenté en sans culotte (ni caleçon): portant beau un sarrau d'épais coton bleu et brandissant, palsambleu*!, un couteau Louis XVI dont il avait embroché la pointe sur une grosse poire Doyenné ?


"palsambleu"; périphrase signifiant "par le sang de Dieu"  et utilisée surtout par les nobles durant le Moyen-Âge pour jurer et maudire sans s'attirer les foudres du Ciel. Car, comme dans "parbleu", "crébleu", "morbleu", ils y remplaçaient pieusement le nom de dieu par bleu... eux qui savaient se distinguer du vulgus pecus par l'évidence que leur sang était bleu, ne pouvait qu'être d'essence divine!