ART MODERNE OU ART DE VIVRE

De Paul Gonze
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                                                          (Réflexions sur le futur du VIMUD'AMORE)


Brouillon à peaufiner et ouvert donc à toutes citiques et suggestions...


Non, le musée d'art moderne n'est pas mort et enterré! Seuls les vivants meurent un jour, ne laissant qu'un corps à enterrer qui s'en retournera à la poussière.

Les objets par contre, comme toutes choses, ne vivent ni ne meurent: ce sont des amalgames de poussières que l'on peut provisoirement stockés dans des greniers, des caves ou des musées où ils prendront la poussière, seront dépoussiérés puis un jour retomberont en poussière. 

Même les fétiches primitifs, les Christ de douleur, les courtisanes dénudées? Elles et eux avaient fait vivre, palpiter, jouir avant d'être reconnues œuvres d'art et de rentrer au musée qui a évaporé leur âme, leur magie, leurs charmes. Puisque, comme l'a écrit Malraux, tout musée transforme toute œuvre en objet. Et que les objets, ne vivant ni ne mourant, sont promesses de poussière au sein d'un Musée ramasse-poussière.

Donc oui, les musées sont mortifères et on peut, comme Lamartine, être las des musées, cimetières des arts.

Minute papillon! Comme toute chenille, je ne vais pas nier que j’adore papillonner dans les cimetières, méditer dans les nécropoles, réfléchir aux fins dernières de ma douce et tendre devant une momie embaumée. Et je peux comprendre que d’autres, plus que moi, soient accros à ces émotions. Prêt donc, avec eux, à signer toutes les pétitions pour exiger le classement de ces vénérables institutions au patrimoine mondial de l’humanité et demander que des subsides récurrents garantissent leur intemporelle conservation.

Mais, avec les Musées d'Art Moderne, la décence des rapports avec la maquerette est outrepassée: on a ici affaire à des serials-killers ou plutôt qes faiseuses d'ange qui ont décrété que l'assasinat ou plutôt l'avortement sera désormais un des Beaux-Arts. En ce sens que non seulement ils transforment les œuvres en objet mais qu'ils n'objectifient que des fausse-couches, ne formolisent en leur bocaux que des foetus morts-nés. Le philosophe Pierre-Henri Jeudy remarquait en effet que la muséographie contemporaine nous habitue curieusement à une "culture patrimoniale": l'oeuvre dite artistique y a pour fabuleux destin de transiter directement de la tour d’ivoire de ses conceptualisateurs à un coffre de collectionneur puis une cellule de musée sans s'être jamais tachée de quotidien, polluée de sang rouge, saoulée de liberté. Ah le glorieux destin que de mourir avant que de n'avoir vécu!

Et quelle perspective d'avenir une civilisation muséifiant son présent peut-elle offrir à sa jeunesse ? Quel droit à la contestation, quelle échappatoire vers des ailleurs lui concède-t-elle ? Les politiques qui financent les musées ont la réponse : Pour neutraliser une œuvre contestataire, rien de plus efficace que de la récupérer en l’exposant comme une anomalie dans une cellule aussi blanche que celles d’un institut psychiatrique. Et pour apprivoiser un révolutionnaire anarchiste, rien de mieux que d’en faire un artiste subventionné ! En lui promettant, pour sa pension, une rétrospective au musée !

Cette dérive a été exemplairement mise en lumière lors du vernissage, en 1984, du Musée d’Art Moderne de Bruxelles. Ce qui a poussé un ouvrier en salopette bleue, pendant que le roi des belges, une foule de ses ministres et l’écume de la nation champagnaient, a descendre dans la fosse et apposer sur son mur des lamentations une pierre tombale dont l’épitaphe "Ci-gît l’art moderne belge" était profanée par le graffiti "Vive l’Art de Vivre".

Il s'avère aujourd'hui que le brave se faisait des illusions: il fallut en effet attendre près de 30 ans, jusqu'en février 2011, pour qu’un conservateur en mal de reconnaissance n’officialise l’acte de décès. Éplorés par cette redite mortuaire, quelques dizaines d’artistes, critiques, galeristes et professeurs d’art, une centaine à tout casser - l’avant-garde d’un bataillon? – se retrouvèrent chaque premier mercredi du mois pour prier en faveur de sa résurrection (en présence, faut-il le rappeler, de quelques impies). L’émoi de ces indignés, dont beaucoup défendaient leur pré carré - blanc sur fond blanc - suscita, du fait de sa récurrence, quelques échos dans la presse, poussant un quarteron de chevaliers des finances et capitaines d’entreprises à promettre de sponsoriser, pour après 2026, la réincarnation du défunt dans un Guggenheim bruxellois. Généreusement conscients qu’un musée est aux œuvres d’art des collectionneurs ce que la bourse est aux placements des spéculateurs.

On ne s'étonnera donc pas qu'après un an de manifestations et la remise d'une pétition signée par 3.000 personnes, les récriminations de ces aficionados de l'art moderne aient été entendues. Le Ministre de la Politique Scientifique découvrit alors trois à cinq mille mètres carrés d'espaces vides au sein des MRBAB. Lieu de repos apparement plus idéal pour une partie de la collection d'art moderne que les caves du Musée. En paix provisoire néanmoins puisque, dans la foulée, le ministre s'engagea à ce qu'un nouveau musée d'art moderne soit construit d'ici 10 à 15 ans: sonnez musettes, résonnez tambourins!

Mais pourquoi faudrait-il, dans une ville qui compte déjà plus de cent musées (dont plusieurs palais, brasseries, ateliers, offices, forges et galeries spécifiquent dédiés à la promotion des arts modernes et contemporains) un cent et enième musée?

Alors qu'un art vivant, un art d'aujourd'hui ne peut porter de vrais fruits que s'il s'est enraciné dans le vécu de la communauté qui le secrète. Alors que les musées ne sont fréquentés que par une infime minorité de gens favorisés, oisifs ou touristes. Alors que les concepts d'oeuvres d'art, d'artistes se délitent pour engendrer du rien, du vent. Un Musée du vent donc? 


--- raisons de la sublimation de Bruxsel en VIMUD'AMORE


comité de parrainage