Restitution, vous avez dit restitution?

De Paul Gonze
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Il est évident que la frise du Parthénon, pillée par lord Elgin, doit retrouver sa place, au sommet du fronton de l'Acropole de manière à pouvoir la contempler en contre-plongée dans l'éblouissement du ciel bleu d'Athènes plutôt que sous le plafond d'une salle ombargée du British Museum.

Est-il aussi évident qu'il faut restituer aux nobles polonais et hongrois les châteaux et leurs milliers d'hectares nationalisés par les communistes et en déposséder ceux qui y travaillent, y logent et se souviennent que ce sont leurs ancêtres asservis qui ont contribué à la richesse et à l'arrogance des premiers?

Mais est-il aussi évident que doit être restitué à un peuple qui se dit élu une terre qui lui aurait été promise par un dieu irascible il y à 3000 ans. Terre dont ce peuple qui émigra clandestinement d’Égypte chassèrent sans scrupule les Cananéens de ce qu'ils considéraient comme leur pays. Terre qui ensuite a été inféodée aux Romains, aux Arables, aux Turcs puis aux Anglais qui...

 

En ce qui concerne les artéfacts d'Afrique centrale ( où les concepts d’œuvres d'art et d'artistes  n'avaient aucun sens), la perspective de leur restitution soulève quelques autres questions:

- A qui faudrait-il restituer les œuvres? A l'époque où elles ont été achetées, bradées, volées ou pillées, le Congo n'existait pas et il n'avait pas de président ni de ministère de la culture. Faut-il dès lors les rendre aux descendants des chefs coutumiers dont ils symbolisaient le pouvoir, ou des sorciers et artisans qui les ont fabriqués ou de

- Quels objets faudrait-il restituer? Car parlent-ils de la même chose, ceux qui évoquent un masque sacré, craint pour son pouvoir magique, que l'initié ne pouvait qu'à peine entrevoir de nuit lors de rituels sacrés... ceux qui contemplent en baillant, dans des chambres blanches et aseptisées, une juxtaposition de curiosités critiquées pour leurs aberrations formelles et leurs dissonances chromatiques ...et ceux qui y voient placements financiers et objets de spéculation? Il est un fait que ce qui a été volé, c'est une âme, une ouverture au cosmos holistique, l'objet matériel n'étant plus qu'un squelette que la société capitaliste nécrophage embaume dans ses musées-cimétières.

- Pour les africains les objets les plus magiques, qui étaient parfois les plus laids et les plus effrayants, pour les européens, les plus beaux... mais qu'est ce que la beauté depuis les demoiselles d'Avignon?

C'est l'européen qui a réduit un objet magique en œuvre d'art... et la dimension magique ne pourra jamais être ressuscitée.

Ne faut-il pas, plus fondamentalement, restituer aux habitants des régions qui ont été colonisés l'or, le cuivre, les diamants qui y ont été extraits, l'ivoire, la caoutchouc, le coton... ou, à, tous le moins, les profits que les colonisateurs en ont tiré. Mais ici aussi, ce qui, pour l'autochtone, était une pierre noire, pour le colonisateur s'avérait être de la pechblende, minerai d'uranium ou de l'hétérogénite, minerai de manganèse et donc source de profits inconcevables pour l'autochtone. Tout comme sont inconciliables la dimension magique d'un fétiche et sa cotation chez Sotheby's.

- Quand les anglais occupèrent le Bénin et envahirent sa capitale, ils la pillèrent... comme le fait tout envahisseur depuis que l'homme est homme... à une exception près: plutôt que de fondre les sculptures de bronze, ils en apprécièrent la qualité et, en esthètes, décidèrent d'en assurer la sauvegarde. Est-ce à cause de ce geste gratuit qu'ils doivent aujourd'hui rendre ce qui, sans leur ouverture d'esprit, n'existerait plus. Ou faut-il, ce n'est pas absurde, demander tout autant la restitution des pièces qui ont été volées que la contrevaleur des pièces qui ont été détruites? Comme le font les compagnies d'assurance en cas de vol ou d'incendie...

Parlant d'assurance, comment évaluer la valeur d'un bien? Est-ce le prix payé par l'acquéreur au moment de l'achat, et dont témoigne la facture ou sa valeur appréciée ou dépréciée par les aléas de la mode: exemple, un Van Gogh ou un Cabanel de leur vivant ou un siècle après leur décès.

Pour le missionnaire ou le militaire qui le confisquait, la chose n'avait d'autre valeur que d'être une incongruité fabriquée par des sauvages et sans valeur. Ce sont les artistes puis les collectionneurs européens, qui leur ont donné le statut et le cote d'une œuvre d'art.