Une gousse d'ail en chemise pour ma bien-aimée

_{inspiré d'une recette traditionnelle polynésienne}

_{revue et corrigée par un ami artiste décédé,}

_{le comte François Godebsky da Godebska}

  

Choisissez une jolie petite gousse d'ail bien fraîche, variété rose, plus piquante,

Fourrez la gousse en chemise dans une grosse olive verte dénoyautée,

Fourrez l'olive dans un pruneau,

Fourrez le pruneau dans un rouge-gorge,

Fourrez le rouge-gorge dans une caille,

Fourrez la caille dans un pigeonneau,

Fourrez le pigeonneau dans une poulette,

Fourrez la poulette dans un agneau de lait,

Fourrez l'agneau de lait dans un cochonnet,

Fourrez le cochonnet dans un gros veau,

Fourrez le gros veau dans un buffle ...

(va encore pour un éléphant si vous avez un éléphant sous la main)

(Pour faciliter tous ces fourrages, enduisez abondamment chacune de vos bestioles d'huile d'olive salée, poivrée et parfumée aux herbes de Provence)

Laissez reposer et faisander le temps de creuser un grand trou au milieu de votre pelouse que vous tapisserez de pierres basaltiques préalablement portées à haute température dans un bûcher. Remplissez de pommes de terre, poivrons, aubergines, courgettes, tomates... au milieu desquels vous enterrerez votre buffle (ou votre éléphant) garni. Recouvrez le tout d'un monticule de pierres basaltiques et laissez cuire à l'étouffé pendant 24 heures (ou 48 pour un éléphant). 

Le lendemain, déterrez et partagez la chimère avec tous vos amis pour déposer en offrande, à l'issue du festin, la gousse d'ail à sucer sur le bout de la langue et sous le palais de votre bien-aimée.

Le parfum de son baiser,

quand elle l'aura croquée,

pour vous remercier!

 

Remarque: si vous habitez en ville, si vous n'avez pas quelques centaines d'amis, si vous ne disposez pas d'un four réfractaire de grande capacité... arrêtez les frais au niveau de la poulette qui fera la farce d'un pain de viande d'une douzaine de kilos (veau, porc, champignons, poivrons, courgettes...) que vous mettrez au four à basse température pendant quelques heures... jusqu'à ce que le centre ait été porté à la température de 65° C (mesurée à l'aide d'une aiguille thermométrique). N'oubliez pas que la gousse d'ail n'est pas pour vous mais pour Elle 

                                                                                                                                              (ou lui si vous êtes une elle)

Un conseil: En gastronomie comme en astronomie, ne pensez à rien d'autre qu'à ce que vous contemplez ou dégustez, les yeux fermés. Oubliez la situation politique, l'état de votre compte en banque, la mouche au plafond...

Remémorez-vous par exemple "Quando l'uomo é una donna" de Jan Fabre présenté dans l'église des Brigittines il y a une dizaine d'années. Revoyez Lisbeth Gruwez, montant sur l'autel, une coupe de Cinzano Bianco à la main; - se dégageant du smoking qui la moule en majordome et du bande de gaze qui lui écrase les seins; - transvasant délicatement l'olive flottant dans son apéritif au fond de son vagin; - débouchant les douzaines de bouteilles d'huile d'olive suspendues au plafond pour napper le dallage de marbre de l'église d'un miroir liquide; - s'y roulant, retournant et dédoublant voluptueusement; - dérapant soudain, les jambes royalement écartées, vers les spectateurs; - pilant à moins d'un mètre d'eux pour extirper, étincelante sous les feux des projecteurs, l'olive de son vagin; - la plongeant dans la coupe de cristal... que, redressée, elle vide d'un trait, murmurant "Perfecto!".

Par exemple...

 

vous la préfèreriez plus piquante ou plus fruitée ?