UN RÊVE PROPITIATOIRE

De Paul Gonze
Aller à la navigation Aller à la recherche

effet collatéral  du tremblement de terre de Liège de décembre 1983,

une faille rougeoyante a coupé la Cité Ardente d'Est en Ouest,

blessure qu'il a fallu cautériser au plomb fondu avec l'aide de la pleine lune

A 01 p fêlé.jpg
A 01 p fêlé.jpg

Au crépuscule du premier avril 1984 et de sa lune noire, une fissure aux profondeurs ardentes se révèle sous l'inébranlable perron de Liège, symbole de ses libertés. La déchirure s'étire de nuit en nuit, vers une maternité au levant et un cimetière au couchant, séparant le nord du sud de la cité. Rouge phosphorescente, sa trace balafre les façades, chevauche les toitures, sectionne les voies de liaison. Son trajet, son amplitude et sa vitesse de propagation sont fonction des ouvertures ludiques et des blocages nostalgiques des habitants: population que son réveil confronte, par les journaux et la radio, à l'inexorable cheminement du séisme et de sa rêveuse escorte de scarificateurs d'utopie en travers du dédale de pierres asphaltées, bétonnées et ferraillées. 

A 04 p fêlé.jpg
A 04 p fêlé.jpg

Dans la nuit qu quatorze avril, deux ambulances, issues du Nord et du Sud de la ville, se rejoignent place du Marché. Quatre infirmières en retirent deux demi-cercles en plomb plaqués d'or et gravés du dessein de la Cité Ardente. Un vieux mineur enflamme un cône de bois vert et fossile. Deux sidérurgistes y disposent un creuset dans lequel les demi-lunes se confondent. Leur sueur est coulée dans la plaie béante du cœur de Liège, la cautérisant avec les réflexions de la peine lune... La progression de la faille est enrayée: vient le temps de la fête qui fusionne en l'église Saint-André tous ceux que démarquent une lézarde similaire. Plus tard les passages sereins du soleil adouciront ces reliefs sismiques dans les mémoires et sur les murs de l'illusoire château de cartes.

 

Rêve fêlé.gif
Rêve fêlé.gif

Contexte : La manifestation « Tectonic 84 » coordonné par l’asbl (6000)r et Daniel Dutrieux.

Lieu d’intégration : Ville de Liège, du Perron vers la maternité de Bavière au levant et un vieux cimetière hors les murs au couchant soit sur une longueur totale de 3 km.

Accompagnement musical : Denis Mpunga, Kays Rostom, Pierre Adam et Jacques Swingedow du groupe de percussions Goma.

Chorégraphie : Elisabeth Santos, Adrianna Boriello et Pierre Droulers

Remerciements : Au collège échevinal de la ville de Liège et à sa police, aux Usines à Cuivre & à Zinc, aux sociétés Vieille Montagne et Air Liquide, à la compagnie des charbonnages de l’Espérance, à L’institut d’astro-physique, aux ambulances de Theux, à Coco-Cola, à « Emile, bières spéciales », au Pequet Tchantchés, à Tonton Tapis… et à Sylviane Baeten, Alai Bert, Jocelyne Chaîneux, Patrick de Brouwer, Marc François, Paul Henrotte, Anne Pierlot, Xavier Schneider, Emmanuelle Sikivie… et tant d’autres.

Réalisation : De la lune noire du premier avril 84 à la lune blanche du 14 avril

Une petite anecdote: - Le dimanche premier avril dans l'après-midi, un pensionné se promenant Place du Marché s'étonne de voir des ouvriers en tenue de la protection civile travailler, attaquant au burin et au marteau le socle de béton stabilisant le Perron de Liège. N'y voyant qu'un mauvais un poisson d'avril, il appelle la police qui interrompt le Rêve Propitiatoire et emméne P.G., son responsable, au violon. Présenté au bourgmestre le lendemain matin, P.G. se justifie en expliquant qu'aucune réponse n'ayant été donnée à la demande d'autorisation qu'il avait introduite trois semaines plus tôt, il avait jugé, vu l'urgence et sa basant sur le proverbe "Qui ne dit mot, consent", que le projet était accepté. Ne pouvant réfuter cet argument, le bourgmestre autorise la continuation du projet, conditionné par la stricte interdiction de fêter sa conclusion dans l'Eglise Saint-André attenante au Perron. 

Normal donc que le 14 avril, après que la faille du Perron ait été cautérisée au plomb en fusion mêlé de fragments de cristal de l'entreprise du Val Saint-Lambert tombée en faillite, une joyeuse bande de fêlés se soient retouvées dans l'Eglise Saint-André pour se partager une monumentale réplique en paté du symbole des libertés liégeoises.

Mais encore autrement raconté : un rêve fêlé

 

fêlé.e au point de rêver d'être faillé.e par d'autres délires