Peûre d'Amoûr à bêcoter

Depuis que mes recettes sont publiées en fiches culinaires "détachables selon les pointillés" dans les hebdomadaires "Ille" et "El", je suis régulièrement invité.e à rehausser les soirées de notables que je ne connais ni des lèvres ni des dents. Ainsi, la semaine dernière encore, j'ai du me taper les fiançailles d'un imberbe marquis italien avec une bourgeoise américaine légèrement moustachue. Après le pouse-café, je leur ai galamment proposé d'illuster leur amour réciproque en se disputant une Poire d'Amour, adaptant, mutatis mutanda, la recette suivante:

Procédure

- Sélectionnez une belle grosse poire bien tendre et bien juteuse (variété Beurré Hardy, Doyenné du Comice ou, en désespoir de cause, Bon Chrétien);

- Enduisez-la d'une épaisse couche de Pastador ou de Chocopasta ( mais pas de Nutella: on est ou on n'est pas pour les orang-outangs?)

- Suspendez-la par la queue au lustre de cristal du salon (ou au soleil, dans le jardin) ;

- Prenez une jolie jeune fille au chemisier de dentelle blanche bien decolleté plongeant et un brave gaillard moustachu, basané et cravaté voire papillonné;

- Liez-leur les mains dans le dos puis disposez-les face-à-face, de part et d'autre de la belle grosse poire bien tendre et bien juteuse, vous assurant que celle-ci oscille doucement un peu plus haut que leur nombril;

- Au troisième top, lachez vos fauves qui se jeteront, la bouche en famine, sur le fruit défendu pour tenter de le mordre à pleines dents... ne réussisant qu'à le faire follement voltiger et valdinguer dans la gueule de l'adversaire;

- Espérez que l'un.e ou l'autre, bravant le risque d'effeurer les lèvres de l'ennemi, parvienne, avec le temps, à planter ses canines et arracher un morceau de chair pantelante, presqu'aussi gros qu'une aile ou une cuisse de moineau;

- Asseyez-vous, offrez à vos invités une coupe de champagne, discutez de la pluie et du beau temps car le pugilat durera longtemps avant que vos vedettes ne se retrouvent soudées nez-nez, rongeant de leur trogne le trognon, comme deux cerfs aux bois emmèlés;

- Séparez ces accouplés aux faciès, poitrails et  tignasses outrageusement chocolatés puis Invitez le public à les applaudir;

- Leur ayant délié les mains, contemplez-les qui s'éloignent dans la douce lumière du soleil couchant, bras-dessus bras-dessous, s'embrassant et se pourlèchant pire que des tourtereaux.

 

Remarques: Il ne faut pas confondre la banale pomme d'amour piquée sur un batonnet et encroûtee de sucre caramélisé coloré en rouge vif qui se vend dans les fêtes foraines avec la poire d'amour. Celle-ci (certain.e.s s'en scandaliseront) est un plagiat éhonté d'un jeu des gamins et gamines de la Cité Ardente qui se disputaient une pomme (variété - Golden Delicious, Belle de Boscoop ou Granny Smith ) dégoulinante de sirop de Liège gluant et collant. mea culpa, mea culpa, mea macima culpa!

- Qui peut assurer qu'au Paradis, le fruit de l'Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal était  une pomme? Eve avait peut-être les seins et le cul en forme de poire...

- Si la moiselle et le moiseau sélectionnés avouent ne pas être des becs sucrés, remplacez la poire par une huître des rocheuses braisée et généreusement mayonnaisée.

 

Précision relative à la troisème remarque: L'huître des Rocheuses, encore appellée "caviar du cow-boy, "tendre-entrejambre du diable" dans l'Ouest des Etats-unis ou animmelle en France est un testicule prelevé sur un veau pour l'amadouer en boeuf plutôt qu'en taureau. A ne pas confondre avec les incomparables  chousels bruxellois, à base de testicule de bélier.

 

comme une petite envie de saliver sur du plus salé?