« Le regard de Rancé » : différence entre les versions

De Paul Gonze
Aller à la navigation Aller à la recherche
Contenu ajouté Contenu supprimé
Aucun résumé des modifications
Aucun résumé des modifications
 
(2 versions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :



Comme autour de la lampe un concert de moustiques
Comme autour de la lampe un concert de moustiques
Ligne 11 : Ligne 10 :
Un choeur dansant s'élève et répond à ta voix
Un choeur dansant s'élève et répond à ta voix


 


Ce sont tous les amants qui crurent l'existence
Ce sont tous les amants qui crurent l'existence
Ligne 23 : Ligne 22 :
Vienne à leur cœur dément apporter démenti
Vienne à leur cœur dément apporter démenti


 


Si toute passion puise dans sa défaite
Si toute passion puise dans sa défaite
Ligne 35 : Ligne 34 :
A la façon d'un sein qui n'a point allaité
A la façon d'un sein qui n'a point allaité


 


Toujours les mêmes mots à la fin des romances
Toujours les mêmes mots à la fin des romances
Ligne 47 : Ligne 46 :
Et l'éternelle histoire est celle de Rancé
Et l'éternelle histoire est celle de Rancé


 


Saoulé par le grand air il quitte ses domaines
Saoulé par le grand air il quitte ses domaines
Ligne 59 : Ligne 58 :
A la rue des fossés Saint Germain l'Auxerrois
A la rue des fossés Saint Germain l'Auxerrois


 


Il voit déjà les longs cheveux et les yeux tendres
Il voit déjà les longs cheveux et les yeux tendres
Ligne 71 : Ligne 70 :
Et lui tend ses bras nus plus beaux que de raison
Et lui tend ses bras nus plus beaux que de raison


 


L'escalier dérobé la porte et c'est l'alcôve
L'escalier dérobé la porte et c'est l'alcôve
Ligne 83 : Ligne 82 :
Cette tête coupée au bord d'un plat d'argent
Cette tête coupée au bord d'un plat d'argent


 


Aveugles chirurgiens qui déchirent les roses
Aveugles chirurgiens qui déchirent les roses
Ligne 95 : Ligne 94 :
Comme le pain rompu la blancheur de sa mie
Comme le pain rompu la blancheur de sa mie


 


Au cloître que Rancé maintenant disparaisse
Au cloître que Rancé maintenant disparaisse
Ligne 107 : Ligne 106 :
Le feu du ciel volé brûle éternellement
Le feu du ciel volé brûle éternellement


 


Ce moment de Rancé sur le seuil de la chambre
Ce moment de Rancé sur le seuil de la chambre
Ligne 119 : Ligne 118 :
A-t-il aimé vraiment a-t-il vraiment rêvé
A-t-il aimé vraiment a-t-il vraiment rêvé


 


Un soir j'ai cru te perdre et chez nous dans les glaces
Un soir j'ai cru te perdre et chez nous dans les glaces
Ligne 131 : Ligne 130 :
On entendait siffler un passant dans la rue
On entendait siffler un passant dans la rue


 


Un soir j'ai cru te perdre et de ce soir je garde
Un soir j'ai cru te perdre et de ce soir je garde
Ligne 143 : Ligne 142 :
A tenir ton poignet la fuite de ton sang
A tenir ton poignet la fuite de ton sang


 


Un soir j'ai cru te perdre Elsa mon immortelle
Un soir j'ai cru te perdre Elsa mon immortelle
Ligne 155 : Ligne 154 :
La saveur de l'ivresse ô mon verre de vin
La saveur de l'ivresse ô mon verre de vin


 


Cauchemar renaissant souvenir tyrannique
Cauchemar renaissant souvenir tyrannique
Ligne 167 : Ligne 166 :
Les couplets interdits dont il est le refrain
Les couplets interdits dont il est le refrain


 


Le beau corps déchiré gisait dans sa demeure
Le beau corps déchiré gisait dans sa demeure
Ligne 179 : Ligne 178 :
Et tout un peuple avait le regard de Rancé
Et tout un peuple avait le regard de Rancé


 
<p style="text-align: right"><sub>''&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Louis Aragon - extrait des yeux d'Elsa''</sub> &nbsp;</p>

Tu vivras Nous voici de retour de la chasse

C'est assez de sanglots emplir notre logis

Ils ont voulu pourtant que nos mains te touchassent

O Sainte déjà dans ta châsse

Ecartez-vous de moi Démons Analogies


Le deuil que dans mon sein comme un renard je cache

Dites si vous voulez qu'il n'est pas de saison

Le sens de ma chanson qu'importe qu'on le sache

Puisque règne aujourd'hui la hache

Que venez-vous parler au nom de la raison.

<sub>''&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Louis Aragon''</sub></p>
&nbsp;&nbsp;

[[Mes_douze_poèmes_préférés|<u>'''''D'autres poèmes appréciés par le papowête'''''</u>]]
[[Mes_douze_poèmes_préférés|<u>'''''D'autres poèmes appréciés par le papowête'''''</u>]]

Dernière version du 6 février 2020 à 19:40

Comme autour de la lampe un concert de moustiques

Vers le plafond spirale et la flamme convoie

Du fin fond du malheur où reprend le cantique

Dans un fandango fantastique

Un choeur dansant s'élève et répond à ta voix

 

Ce sont tous les amants qui crurent l'existence

Pareille au seul amour qu'ils avaient ressenti

Jusqu'au temps qu'un poignard l'exil ou la potence

Comme un dernier vers à la stance

Vienne à leur cœur dément apporter démenti

 

Si toute passion puise dans sa défaite

Sa grandeur, sa légende et l'immortalité

Le jour de son martyre est celui de sa fête

Et la courbe en sera parfaite

A la façon d'un sein qui n'a point allaité

 

Toujours les mêmes mots à la fin des romances

Comme les mêmes mots les avaient commencées

Le même cerne aux yeux dit une peine immense

Comme il avait dit la démence

Et l'éternelle histoire est celle de Rancé

 

Saoulé par le grand air il quitte ses domaines

Ayant fait bonne chasse et plus heureux qu'un roi

Son cheval et l'amour comme un fou le ramènent

Après une longue semaine

A la rue des fossés Saint Germain l'Auxerrois

 

Il voit déjà les longs cheveux et les yeux tendres

De Madame la Duchesse de Montbazon

Il la voit il l'entend ou du moins croit l'entendre

Qui se plaint de toujours attendre

Et lui tend ses bras nus plus beaux que de raison

 

L'escalier dérobé la porte et c'est l'alcôve

Les rideaux mal tirés par des doigts négligents

Il reconnaît ces yeux que souffrir a fait mauves

Cette bouche et ces boucles fauves

Cette tête coupée au bord d'un plat d'argent

 

Aveugles chirurgiens qui déchirent les roses

Les embaumeurs entre eux parlaient d'anatomie

Autour du lit profond où le beau corps repose

Qui trouve son apothéose

Comme le pain rompu la blancheur de sa mie

 

Au cloître que Rancé maintenant disparaisse

Il n'a de prix pour nous que dans ce seul moment

Et dans ce seul regard qu'il jette à sa maîtresse

Qui contient toutes les détresses

Le feu du ciel volé brûle éternellement

 

Ce moment de Rancé sur le seuil de la chambre

Qui ne l'a fût-ce un soir vaguement éprouvé

Et senti le frisson glacé comme un décembre

Envahir son coeur et ses membres

A-t-il aimé vraiment a-t-il vraiment rêvé

 

Un soir j'ai cru te perdre et chez nous dans les glaces

Je lisais les reflets des bonheurs disparus

Ici tu t'asseyais c'était ici ta place

De vivre étais-tu donc si lasse

On entendait siffler un passant dans la rue

 

Un soir j'ai cru te perdre et de ce soir je garde

Le pathétique espoir d'un miracle incessant

Mais la peur est entrée en moi comme une écharde

Il me semble que je retarde

A tenir ton poignet la fuite de ton sang

 

Un soir j'ai cru te perdre Elsa mon immortelle

Ce soir mortel pour moi n'a jamais pris de fin

Nuit d'un Vendredi-Saint que tes grands yeux constellent

La mort comme la vie a-t-elle

La saveur de l'ivresse ô mon verre de vin

 

Cauchemar renaissant souvenir tyrannique

Il éveille en mon coeur des accords souterrains

Il déchaîne à l'écho tout un jeu d'harmoniques

D'autres soirs et d'autres paniques

Les couplets interdits dont il est le refrain

 

Le beau corps déchiré gisait dans sa demeure

On entendait pleurer tout bas dans les fossés

On entendait parler tout haut les embaumeurs

Mon pays faut-il que tu meures

Et tout un peuple avait le regard de Rancé

 

                                                                                                         Louis Aragon - extrait des yeux d'Elsa  

D'autres poèmes appréciés par le papowête