Ecrire pour Faire... ou Faire pour Ecrire ...

De Paul Gonze
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                                                                                                                                                                   Á la belle qui m’a fait, défait et refait…


Après avoir re-fait l’amour, ma très douce m’a fait part de son étonnement, de son écœurement que l’on ne puisse au quotidien dire l’acte d’amour qu’au travers de la formule « faire l’amour ». Formule certes préférable aux "avoir une relation intime", "s’accoupler", "copuler", "coïter", "forniquer" (de niquer fort, en avant, au loin…), "coucher", "baiser", "sexer" (entendu dans la bouche d’une fille de six ans)… et j’en passe de bien plus crues. Il n’empêche. Tout comme elle, je ne comprends pas que le partage de caresses, l’échange de baisers, l’acte de se donner l’un à l’autre, de se perdre dans un autre éperdu de vous retrouver, puisse avoir pour équivalent la mécanique factuelle, concrète du faire… des briques, de les fabriquer, un travail, de l’exécuter, des reproductions, de les produire.

Reconnaissons que ce « faire » est mis à toutes les sauces puisque les encyclopédistes de Wikipédia en signalent plus de 250 usages dérivés, reflétant autant la pauvreté du langage de son locuteur que les équivoques de la langue française.

Et il est vrai que les verbes additionner, soustraire, multiplier, diviser n’ont pas vraiment le même sens que "faire des additions, des soustractions, des multiplications, des divisions… des opérations". Tandis qu’opérer… dans la carte du tendre !

Et que les éventuels synonymes de "faire comme les autres", "faire le beau", "le malin", "l’idiot"… ou encore "faire de son mieux" au point de "faire pitié"… n’ont pas le même charme bonhomme.

Se tromper est plus responsabilisant que "faire des erreurs" alors que fauter ou pécher a un côté fataliste qu’a moins "faire une faute ou des péchés"… et que réussir n’a rien de commun avec "faire une réussite".

Qui imaginerait faire la chose comme, enfant, vous faisiez vos devoirs, ou l’école buissonnière ? Faire la chose comme vous faisiez vos prières ou pénitence, quand on vous fera savoir que vous avez fait votre temps, que vous avez fait votre vie ? Faire la chose alors que d’autres font un beau mariage pour faire des affaires ? Faire le mort !

Qu’ils aillent se faire… mettre ou foutre… autrement qu’avec la bonne à tout faire !

Voilà pour le faire- (d’une) -part. Mais l’amour d’autre part ? Faudrait-il assimiler … l’amour à … la bagatelle ? … une partie de jambes en l’air voire de poker? … la bête à deux dos ? … zizi-panpan ou … ngolo-ngolo ou … crac-crac ? … de la température ? … la cuisine, la table et le lit, en un mot le ménage ? Et, un jour sans doute, … des adieux ? Rien que … du bruit ?

Ah les turpitudes de la langue et la manière dont elle nous joue plus que nous n’en jouons. Si ça pouvait nous en toucher une sans faire bouger l’autre… ne nous faire ni chaud ni froid… Si nous pouvions nous contenter de bien faire et laisser braire mais….

Me plait le fantasme littéraire – mais n’est-ce que de la littérature ? – de faire l’amour comme je ferais voile au vent et le point sous la Croix du Sud … avant de faire naufrage sur la plage d’une île inconnue. Ou comme un oiseau fait son nid et non pas une araignée sa toile. Comme une abeille fait son miel et non pas une chatte ses griffes ? Ou comme se fait un bon pain, pétrissant en couple la bonne pâte tout comme s’envole un concerto de piano pour quatre mains ou s’étoile un livre entre deux têtes plus deux cœurs.

Il m’arrive aussi de rêver… de faire d’une pierre deux coups entre deux seins, de faire une neuvaine non pas à la vierge mais à genoux sous son nombril, de faire très lentement les cent pas entre ses jambes, et même, mais tout en douceur, les quatre cent coups … dans la folle attente qu’elle me fasse mille et une petites choses en son petit paradis.

Car quelle morale, quelle éthique, quel sexisme faut-il déchiffrer dans le fait que "l’un(e) fait pour autant que l’autre soit fait(e)"? Abus de langage conforté par la corrélation linguistique qui veut que si l’un(e) baise, il faut que l’autre soit baisé(e), que quand l’un(e) nique, l’autre ne peut qu’être niqué(e). Ainsi il n’y aurait que preneur et preneuse de pris(es)… dans l’évidence que tou(te)s seront refait(e)s ?

Laissons cela aux étymologistes, grammairiens et autres phylologues … qui n’ont sans doute rien de mieux à faire. Alors qu’entretemps Alexandre le Bienheureux passe son temps à ne rien faire… ou si peu : l’amour ? Se voyant révolutionnaire faisant l’amour, pas la guerre !

Alors, avec lui, pourquoi ne pas plutôt se dire "allons fleurer l’amour" puis, un peu plus tard, "quel plaisir que fruiter l’amour à deux" et, plus tard encore, "quand rejouerons-nous l’amour" - le jeu étant l’activité la plus sérieuse à laquelle un enfant puisse se consacrer et les mamoureux ayant le rare privilège de retomber en enfance.

Eux qui font l’amour comme il fait jour, comme il fait soleil, comme elle et il font beau…

Pour être défait dans le bonheur, l’extase et… re-naitre dans la rosée du premier matin du monde

Conclusion : qui veut faire l’ange ferait-il la bête ?