Déglacée de Petits Pois & Carottes

De Paul Gonze
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                                                      (festin pour artiste fatigué de bouffer de la vache enragée
                                                     en tête-à-tête avec sa muse sevrée d'amour et d'eau claire)


Osez, dans un supermarché où vous n'êtes pas encore fiché, subtiliser une boite de petits pois-carottes de la marque Cassegrain.

Carottes et petits pois.jpg
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Revenu sain et sauf dans votre atelier, débarrassez l'établi des tubes de peinture à l'huile et gouache à l'eau, flacons de térébenthine et gros rouge, couteaux de toutes tailles et pinceaux de tous poils, recouvrez-le de votre drap de lit blanchi, amidonné et soigneusement repassé puis invitez votre modèle à s'y étendre pour y relever jusque sous les seins sa longue robe de soie et de soleil aux éclaboussures d'or, d'orange et de pourpre: Fleur de capucine...

Interrompez votre rêverie et demandez encore à votre belle de soulever légèrement ses longues cuisses en gardant les genoux pudiquement joints: dans la conque profonde tapissée par son triangle équilatéral, versez le contenu égoutté de votre butin que vous aviez préalablement mis au frigo: frissons de chair de poule - patience - votre pitance se chambre, exhale ses arômes…

Accédant à la demande de votre bohémienne de se réchauffer en tenant en sa main la chandelle éclairant la salle du banquet, attablez-vous à hauteur de son nombril et, patiemment, méticuleusement, avalez un à un les petits pois en glissant entre ses lèvres charnues les fines carottes. Réservez les rares plus gros oignons aux casse-couilles qui auraient la méchante idée de vous déranger...

Poursuivez en parfait gentleman l'équitable partage jusqu'à ce qu'il ne reste plus que trois billes vertes au fond du bol. Oubliez alors la règle de savoir-vivre prodiguée par la duchesse de Bedfort dans son classique «Les Bonnes Manières en Tout Lieu et Toute Circonstance» vous imposant de les laisser se dessécher au mitan de votre assiette afin que la maitresse de maison comprenne que «vous avez divinement mangé à votre faim si ce n’est qu’il y en avait juste un tout petit peu... trop.»

Au contraire, comportez-vous comme un mufle malpropre en léchant votre écuelle de fond en comble jusqu'à ce que vous ayez, injuste récompense de votre gloutonnerie, la succulente surprise de sentir, se gonflant au bout de votre langue, une étrange racine, plus orangée que les précédentes et plus subtilement salée: celle-là, faites-en votre régal... même si l'Autre gémit ... de faim pour un fruit plus sucré?

Sans vous en soucier, poussez, toujours plus loin, votre museau au risque... Catastrophe, le plat de porcelaine nacrée! Fèlé! Cassé! Des genoux presque jusqu’au nombril, ouvert en deux !


                                                                                       confus,

                                                                    relevez votre trogne barbouillée pour,
                                                                      ébahi par le sourire de votre muse,
                                                                    comprendre que cette ange incarnée,
                                                              prête à pardonner toutes vos gourmandises,
                                                                         a pour idéal de vous sentir

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                                                        TOUJOURS PLUS ÉPERDU DEVANT LA FORMULE DE L'INFINI