Couple d'oeufs brouillés

De Paul Gonze
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Á l'unité, l’œuf de caviar est bien meilleur marché que l’œuf de poule.

Alphonse Allais

- Mieux qu’entre les bras de Morphée, tu t’es enfin endormi, lové en boule dans la tiédeur enveloppante de Son corps tandis qu’elle te désoriente vers l’horizon de la terre des rêves en te caressant les cheveux, le front, la joue, le menton... Tu souris, devinant que là où elle t’emmène, Elle aussi sourit. Sa main glisse vers ta nuque, effleure tes épaules pour se poser, rouge-gorge, sur ta poitrine, près de ton cœur. Pour une éternité… Elle et il n’ont pas à voler plus bas, pressentant que tu branches de désir vers Sa racine de plaisir. Pour une éternité… la brise chante dans le feuillage… jusqu’à ce qu’Elle te mourmoure doucement au creux de l’oreille qu’Elle aussi aimerait que tu la caresses. Tu te déroules, te retournes et L’enroules comme une vague, lentement, dans la mer et sur la plage. Tu gardes les yeux fermés, sachant que tes mains d’aveugle se retrouveront, éblouies par la rondeur de Ses seins. Permets à ta droite de remonter vers Son cou, Ses lèvres, Son oreille pour se perdre dans Sa chevelure ; Pousses ta gauche à descendre dans la plaine de Son ventre jusqu’au bord de la conque de Son nombril. S’étendant sur le dos, Elle écartera à peine les genoux. Donnant ainsi à ta paume le courage de s’aventurer plus loin jusqu’à être arrêtée par une espèce de buisson ardent. Ce sera tellement autre chose que le velouté poli et tiède de sa peau, ce sera comme … ce sera comme … ce sera comme une anémone de mer et comme le nid d’un oiseau de paradis et comme une boule de sucre filé…. Elle ne saura pas… Tu l’auras oublié … Ce sera trop, beaucoup trop ! Surtout qu’Elle ouvrira un peu plus son entre-jambes. Sous tes paupières que tu garderas fermées, tout basculera dans le rose et le rouge tandis que ton index plongera dans Sa faille sans crainte d’être bu, avalé, incorporé - confondant déjà tout, enivré par tant de beauté, tant de douceur - suivi de ton majeur tandis que ton pouce découvrira, halluciné, une perle rose qu’il contournera prudemment, dansant comme un moustique autour de la flamme d’une lampe tempête : se doutant qu’il ne pourra que s’y brûler, puisqu’à l’intérieur, tes deux autres doigts tambourineront la danse du feu. Elle, Elle papillonnera Ses cuisses, flamboyantes, et te dira: viens… et tu La rejoindras … et vous vous confondrez dans un sourire illuminant toute la nuit … embrassant, embrasant tout l’univers.

- C’est de la gastronomie ça ?

- C’est la condition nécessaire et suffisante, quand le soleil sera levé et bien levé, pour que tu descendes dans la cuisine, y casses délicatement deux œufs de poule au-dessous d’une poêle à frire dans laquelle tu auras mis à rissoler quelques copeaux de beurre salé puis, lorsque les blancs seuls seront pris, de les chiffonner en les colorant du jaune encore tout liquide et pour que tu remontes vers Sa chambre sans oublier un bouquet de fleurs de sel, quelques notes de poivre rose, deux toasts craquants… Souhaites-lui "bon appétit" de ma part … car arrivera l’heure d’une petite sieste aussi bien méritée que crapuleuse.

- Mais encore…

- Un grand bol de chocolat brûlant pour deux.

 

Faim d'autres choses