Léontine van Droom et Franz Desrêveux

De Paul Gonze
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 Mais qui sont ces héros ?
 Et pour qui dessinent-ils le signe de l’infini :
deux zéros accouplés ?

 

Léontine van Droom, fille naturelle d'aristos flallons, et Franz Desrêveux, rejeton adultérin d’ouvriers wamands, bien qu’originaires d’impasse et cul de sac diamétralement opposés, sont aussi inséparables que les pile et face des vieux francs belges.
     C’est sous les drapeaux rouges du premier mai 1968 qu’ils se sont découverts et déshabillés pour s'engager, la main ailleurs que dans la main, à lutter afin  qu’advienne le Grand Soir, partageant l'illusion que les jeux de la politique pourraient ébranler le bordel du vieux monde.
     Utopistes dans les viscères plus que dans l'âme, ils choisirent, avec l’aide du docteur Donald Ream, d'être les géniteurs de jumelles hétérozygotes, muses de la société ambivalente, multiculturelle, polychrome dont ils souhaitaient hâter l’avènement.
    Un sorcier de la tribu Tchokwe du Katanga, Unalala Bwana, à la fontanelle dépourvue de toute pilosité (ce qui, on le sait, facilite les migrations oniriques vers d’autres univers), bénit les fillettes (sans les exciser!) et les plaçât sous la protection de l’astre lunaire et des planètes rouge et bleue. Leonardo del Suegno, ingénieur des mines ayant abandonné l’exploitation du charbon pour le blanchiment des nuages, fut choisi comme parrain.

Vingt ans plus tard, Aurore d'Utopie, blonde aux yeux d’azur, et Krepuscula Kochmarsky, brune au regard de magnétite, cherchèrent à prouver à leurs anciens que l’art, bien mieux que la politique, pouvait catalyser la métamorphose du singe humain en bien plus qu'un homo economicus.
     Pas l’art enrubanné et momifié des musées ni, évidemment, celui des marchants, critiques, collectionneurs, spéculateurs et autres suppôts de la Bourse, encore moins celui qu’une élite monopolise pour asseoir sa pseudo-supériorité dans le postérieur des exploités! Non un art qui s’offre à tous, libère les désirs, épanouit la vie, un AN-ART qui est à la culture dominante ce que la révolution est à la démocratie consensuelle (à bientôt rebaptiser en dictamolle de l’audimat).
     Ensemble, ces plasticiens plastiqueurs, musiciens bidouilleurs, peintres de la semaine des sept dimanche s’engagèrent à matérialiser rêves et utopies propres à élargir les failles du système en béances de jouissance.
     Dans cette perspective, ils fondèrent l’association ayant d’autres buts que lucratifs, "TOUT… les rêves se vivent". La parution de ses statuts provoqua l’inutile ire du Ministre de la Justice et une enquête foireuse de la Gendarmerie. Il est vrai que son objet, "altérer (ouvrir à l’autre) les relations entre l’homme, la femme et leur environnement" n'était pas que promesse de fumée bleue et sans feu.
     Puis les prodiges se multiplièrent, avec la lune atterrissant sur la Grand-Place de Bruxelles...,la mer montant par deux fois jusqu'à Jette..., la capitale du pays noir se réveillant Charlerose..., le Prince des Lumières offrant ses yeux à de plus démunis..., un missile interplanétaire porteur d’une énième version des droits de l’homme se plantant sous les fenêtres de la faculté de droit de Liège

Belles aventures s’imaginent d’aucuns… Cependant, aujourd'hui, Léontine, Franz, Aurore, Krepuscula, Unalala, Leonardo, Donald et le Diable sait combien d'autres, en sont à se demander si les rêves ne se vivent pas… pour se rêvailer cauchemars, les utopies… promesses de goulag? S’ils ne sont pas entretenus pour jouer aux fous du Roi, un Roi nu applaudi par des clones pour son strip-tease devant les rideaux de la société du spectacle ?

Quelle importance ? Demain ils ne rêveront plus... sur une terre qui ressemblera à la lune.