Interludes G*Astronomiques

De Paul Gonze
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Extrait de  l'espère luette   

 

                                                                    Il n'y a rien qui permette de condamner un gastronome

                                                                                       tant qu'il ne va pas jusqu'à l'indigestion.

                                                                                                                          Tristan BERNARD

 

Manger ou être mangé: telle est la loi de la jungle. Entre les draps, c’est pire, le "ou" virant au "et". Ce constat et la réponse que me donnait systématiquement La Grande Lunatique quand je L’interrogeais sur les raisons de Sa rêverie matinale: "- L’estomac et le vagin creux, que faire d’autre?" m’incitèrent à de plus comestibles recherches esthétiques. D’autant que je me suis toujours refusé à mystifier les émois visuels ou sonores au détriment des jouissances olfactives, gustatives, tactiles… charnelles. Sous prétexte que les dernières seraient conditionnées par les bas instincts de survie et de conservation de l’espèce alors que les premiers auraient la gratuité, l’inutilité des grâces surnaturelles? A d'autres! De surcroît, je dois confesser que l’appréciation platonique du legs d’un génie éteint ne m’a jamais autant travaillé que, un flacon de Saint Estèphe en main, ma mie entre mes genoux, l’arôme des cuisses d’une caille flambée. Au risque de me répéter, tout, pour moi, est affaire d’art, avec un petit a et beaucoup de râles, ceux de vivre, donc créer, donc aimer en se jouant de tout: mots, sons, odeurs, couleurs, saveurs… et sexes.

Me sachant par ailleurs investi de la mission de croquer de mille et une façons Sa Majesté, je ne vis aucune objection à le faire aussi littéralement, initiative que ma goulue trouva, sans être pourtant de mœurs anthropophages, fort à son goût. Nous reconnaissant donc en aussi substantielle communion de corps et d’esprit, La Toute-Puissante manipula la presse. C’est ainsi que le périodique à sensations pour jeunes bonnes et vieilles baronnes "BÊLLE" publia, sous la signature de Risotto et Vacherin et sur fiches culinaires détachables selon les pointillés, nos recettes privilégiées. Recettes éprouvées dans un climat de complicité qui n'est pas sans rapport avec celui qui associe habituellement un chef coq et sa poule au pot. N’est-Elle pas la mie de mon pain? Serais-je la lie de Son vin?

                                                                                            :-) (-:

Fourrée de Boudeuse au Champagne Rose

1- A la brisée de la nuit, se démêler des bras et jambes de votre Divine parcourant son Empire d’Onirie, descendre dans les cuisines du palais et y jouir d’une neuvaine de boudeuses assoupies en leur lit d’algues et de glace pilée.

2- Réserver la plus mignonne, plus ronde, plus charnue et la ranimer en la réchauffant à petit feu.

3- Opération délicate: quand la sédentaire baille d’aise, l’inviter, en lui chatouillant la plante du pied d’un fin coutelas, à nomadiser de sa conque polie vers le nid de votre main.

4- Revenir en aussi moelleuse compagnie dans la chambre royale et se glisser sous la cloche des grands draps de satin parfumé. Constater, dans la lueur tamisée de la lune, que Rose, à Son habitude, sommeille, les jambes cavalièrement écartées, et s’agenouiller devant Son bivalve à louer.

5- Deuxième délicatesse: prier le mollusque de jouer son Bernard-l’ermite en migrant vers cet abri si rose et si nacré.

6- Poireauter tandis qu’il se chambre et adapte ses température et salinité aux humeurs royales.

7- Poireauter jusqu'à ce que le roulement des globes oculaires sous Ses paupières et le retroussis en sourire d’aurore de Ses lèvres vous avertissent de l’imminence de Son retour à terre.

8- Troisième délicatesse: se prosterner et s’aboucher à Son second sourire puis, vivement, aspirer pour happer sans gober l’autre lamellibranche qui déjà s’incrustait en Son paradis.

9- Remonter comme la marée sur la plage tiède et laisser couler, ultime étape du voyage de votre creuse, de votre bouche dans Sa bouche, cette revigorante source d’oméga-3 et d’oligo-éléments qu’on prétend encore aphrodisiaque.

10- Redescendre comme la marée pour goûter encore un peu du sel de l’aventure… et d’un trésor: une perle en forme de poire et qui, sucée, brille, aussi tendre que l’aube à l’orient.

36- L’astuce du jour: accompagner de champagne… à frapper et laper dans l’écuelle de Son nombril. Sans se formaliser de quelques débordements, dégoulinades et pétillements au plus profond de Ses bouches.

                                                                                                :-) (-:

Poilée Créole aux Petits Lardons

1- Ramener de la criée une monarque bien en chair et en fraîcheur (senteur légèrement acidulée, œil brillant, crêtes humides).

2- La déplumer méticuleusement en attendrissant de menus baisers mordus et au jus de citron sa chair de poule puis La déposer, frémissante, au centre de la terrasse bleutée qui frétille déjà dans l’insolence du soleil de midi.

3- L’étendre en croix en lui ouvrant amplement bras et jambes - Nord, Sud, Est, Ouest - sans négliger de délier Sa chevelure.

4- Généreusement La masser avec une marinade d’huiles de tournesol, olive et pépin de raisin (extra-vierge première pression manuelle à froid) parfumée aux raclures de ginseng, pressures d’ail rose, poudrées de sarriette et fleurs de sel; appuyer aux creux des aisselles, genoux et le long de la nuque; dans la zone du sot l’y laisse et du râble, utiliser plutôt de l’huile d’amande douce.

5- Laisser saisir puis retourner délicatement dans la casserole de l’horizon et enduire dos, fesses, mollets et même plante des pieds.

6- Quand les tétins commencent à monter, La retourner à nouveau et continuer à pétrir; fraiser soigneusement le cuir chevelu en laissant ruisseler votre marinade jusqu’à la pointe des cheveux; ne pas lésiner avec les litrons.

7- Déposer deux grosses tomates échaudées et pelées au creux des mains (opération délicate, des réflexes incontrôlés pouvant entraîner une contraction des muscles et l’éclatement des fruits).

8- Touffes de persil dans les narines, truffes blanches dans les oreilles, demi-limon pressé sur la fraise des seins, échalotes entre les doigts et les orteils, guirlandes de gousses d’ail autour du cou, des poignets, des chevilles, de la taille, un clou de girofle dans le nombril, une douzaine de pétales de roses confites au miel pour masquer le buisson, un bouquet garni dans l’anus et une couronne de feuilles de laurier sur les tempes.

9- Cela sans s’arrêter de doucement, patiemment continuer à malaxer et retourner jusqu’à ce qu’enfin la dilatation des chairs provoque l’irrésistible montée, entre les lèvres du haut et du bas, de deux langues assoiffées, la première, oblongue et légèrement granuleuse, la seconde, plus fine et aux reflets de crête de coq; les pimenter au rouge.

10- A l’instant où la peau se perle d’une fine rosée, déglacer d’une giclée d’alcool de vieux garçon, approcher de la flamme, et vivement vous la farcir-embrocher jusqu’à la garde pour …

36- … prier le ciel qu’Elle vous pardonne d’avoir oublié au frigo les petits lardons.

                                                                                           :-) (-:

Renversée de Reinettes Étoilées en Reines-Claudes Crottées

       0 - Les préliminaires

0.1. A l’aube du jour G, faire dresser au milieu des cuisines du palais, face au vieux four à pain, sur une estrade à trois gradins, une chaise longue… puis offrir un jouir de congé à tous les fidèles serviteurs de votre divinité.

0.2. Préparer une bonne boule de pâte brisée et une livre de glace à la vanille citronnée .

0.3. Coiffé de la toque du chef coq, inviter votre Belle à descendre dans son plus simple appareil pour une visite officieuse de son atelier de bouche.

0.4. Faire durer la visite en délayant les explications jusqu’à ce qu’Elle exprime le souhait de Se reposer; La convier alors à S’alanguir dans la chaise longue, le temps de Lui improviser un petit en-cas dans la tiédeur des cuisines.

0.5. Bercer Son assoupissement en lui contant d’une voie sirupeuse toutes les étapes de votre préparation; travailler dans la pénombre, en confiance.

       1 - La mise en tarte

1.1. Couper en rondelles douze reinettes étoilées à la peau tavelée mais à la chair blanche striée de rose, ne garder que les rouelles clairement rayonnées par une étoile, les épépiner puis les faire revenir vivement au beurre blond et sucre brun sous une pincée de cannelle; réserver.

1.2: Ouvrir par leur fente de grosses reines-claudes crottées de miel, les dénoyauter et les mettre à transpirer dans le caramel de cuisson des reinettes.

1.3. Beurrer une ronde tourtière de faïence blanche, la saupoudrer de sucre vanillé et d’éclats de cardamome puis y disposer les rouelles de reinettes; couvrir chaque rouelle d’une demi reine-claude sur le ventre; napper du sirop de cuisson déglacé au jus de citron vert.

1.4. Ranimer la boule de pâte brisée en la pétrissant quelques minutes puis en l’aplatissant au rouleau de bois de rose; avec le disque obtenu, couvrir toute la tourtière et ses fruits fumants en épousant les pleins et les creux de la surface mamelonnée; découper les débords.

1.5. Avec un jaune d’œuf, badigeonner au pinceau l'édredon de pâte crue.

        2 - La cuisson

2.1. Enfourner la tourtière.

2.2. S’approcher de Belle engourdie pour Lui entrouvrir aussi généreusement l’entrejambe et l’exposer à la danse des flammes orangées du fourneau.

2.3. Suivre attentivement la cuisson de la pâte qui brunit et s’encroûte et la caramélisation de la peau de l'Autre sous ses salées de sueur.

2.4. Attendre que l’arôme des crottées et des étoilées mêlant leurs sucs sous la croûte de pâte craquante trouble les songes de votre mie jusqu’à ce qu’Elle en salive.

2.5. Défourner rapidement et renverser à chaud sur un plateau à tarte, préalablement couvert de raclures de fromage de cheddar orange.

       3 - La dégustation

3.1. Découper dans le disque gluant et dégoulinant de gelée rosâtre et verdoyante, un beau neuvième; le transférer délicatement avec sa sous-couche de fromage fondu dans une assiette de cristal de Bohème.

3.2. Poser sur la pointe du triangle fumant, une boule de glace à la vanille; la piquer de Sa cuillère à dessert en vermeil; Garder en saucière une seconde boule de glace.

3.3. S’agenouiller respectueusement au pied de la chaise longue et entre Ses genoux pour Lui présenter de la main droite votre offrande.

3.4. Si Elle S’étonne d’avoir à apprécier en solitaire Sa tarte Taquine, lui rappeler les règles du protocole puis, confessant les goûts plutôt vulgaires de certains maîtres queux, lui avouer que si Elle …

3.5. Joignant le geste à la parole, faire rouler le contenu de la saucière que vous teniez de la main gauche vers la pointe de Son triangle de fourrure rousse et laper tout votre saoul de chaud-froid salé-sucré en écoutant attentivement, à l’étage des maîtres, la ritournelle de plus en plus débridée de la petite cuillère de vermeil dans Son assiette de cristal…

3.36. Faire porter aux neuf membres du conseil des Gras Gros Gris les huit neuvièmes restants de votre tatine ramollie à la glace fondue.

                                                                                            :-) (-:

Rose en trois minutes et demi

Blanc d’œuf + Bleu de terre + Noir d’étoile

Tes Roses, Rosés, Rosées, - poivre et sel - , sont mon jaune.

dans lequel me plonger, replonger et noyer jusqu'à ce que Tu m'avales comme petit soldat .


 

La réaction ne se fit pas attendre. Dans un communiqué de presse émanant du Palais, l’Étroite Latte Protocolaire, criait au scandale. Comment avait-on osé insinuer que Sa Divinité Se soit laissée cuisinée avec autant de passivité par deux gâte-sauces aux noms ridicules de Risotto et Vacherin; d’autant que la Toute Puissante, bien que ce ne soit pas dans les fonctions royales de mettre la main à toutes les pâtes, sait se faire cuire un œuf à la russe ou gâcher son filet américain; Et que d’ailleurs Elle aussi a Ses petits secrets culinaires, entre autres cette mignardise pour chiennes de garde:

Tête de Turc

1: Acheter au supermarché une boite de conserve d’ananas des Antilles, qualité royale, une bombe de crème Chantilly, un sachet d’angélique, un berlingot de crottes de chocolat et quelques autres babioles; prévoir éventuellement une bougie d’anniversaire, modèle farceur qui se rallume sans cesse.

2: Étendre détendu le soupirant du jour sur la table en vrai ou faux formica de la cuisine et lui débrider la braguette.

3: Débusquer précautionneusement la linotte qui se terre et enfiler son museau dans une rondelle d’ananas.

4: La lutiner jusqu’à ce que la bestiole se donne des allures de Grand d’Espagne étranglé par sa fraise ou d’homme girafe vous regardant de haut; si le jour est à la fête, fourrer, comme un "Roméo et Juliette" de Cuba, la bougie dans son arrogant bec de lièvre.

5: Poudrer de sucre farine et napper d’une grosse clotte de crème fouettée. Veiller à ne pas trop déborder sur la salopette bleue ou le complet gris à rayures.

6: Suggérer avec deux violettes au sucre des yeux, avec un bâton d’angélique une bouche, avec deux raisins de Corinthe des narines, avec les crottes en chocolat des cheveux et, pourquoi pas, une moustache de macho; Allumer son havane, pardon la bougie.

7: S’il se plaint de ne pas s'y retrouver, lui rétorquer que c’est, dans le style dessin d’école maternelle, son portrait tout craché. Un conseil: ne pas trop attendre pour déguster avec couteau, fourchette et distinction .

Ni faire aussi fine bouche que la Latte Protocolaire, vinaigrée par cette innocente, mais, on peut le reconnaître, un peu astringente plaisanterie! Puisque c’était une autre qu’elle, évidemment, qui avait concocté le litigieux communiqué de presse.

 

                                                                                               ° ° °