« ART MODERNE OU ART DE VIVRE » : différence entre les versions

De Paul Gonze
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Un fétiche clouté n’est pas une curiosité à admirer en esthète, sous une douche d’halogènes, plus inoffensif dans sa cage vitrée qu’une bête de cirque derrière les barreaux. C'est un génie capable d’attirer la foudre, exalter la présence des dieux parmi les hommes, induire chez ces singes la puissance démiurge. Se manifestant à l’appel des tambours dans la palpitation des torches, il danse et vole au dessus du sorcier, frappant les imaginations d’autant mieux qu'il est mal vu, imprévisible, indéfinissable… infini. Qui ose le fixer sans être initié, risque la cécité, de ne jamais voir s’ouvrir son troisième œil.
Un fétiche clouté n’est pas une curiosité à admirer en esthète, sous une douche d’halogènes, plus inoffensif dans sa cage vitrée qu’une bête de cirque derrière les barreaux. C'est un génie capable d’attirer la foudre, exalter la présence des dieux parmi les hommes, induire chez ces singes la puissance démiurge. Se manifestant à l’appel des tambours dans la palpitation des torches, il danse et vole au dessus du sorcier, frappant les imaginations d’autant mieux qu'il est mal vu, imprévisible, indéfinissable… infini. Qui ose le fixer sans être initié, risque la cécité, de ne jamais voir s’ouvrir son troisième œil.


Il en a été de même pour quelques vierges noirres irradiées par la lueur tremblante de bougies votives dans le pénombre d’une chapelle et au pied desquels, à genoux, on osait à peine lever les paupières, … sauf, une fois l’an, quand les foules se pâmaient devant l’icône sacrée, promenée dans l’éblouissement rituel d’une procession solaire. Puis arc-en-ciellisée de nostalgie par les paroissiennes qui trouvaient dans ses larmes la preuve du Paradis.
Il en a été de même pour quelques vierges noires irradiées par la lueur tremblante de bougies votives dans le pénombre d’une chapelle et au pied desquels, à genoux, on osait à peine lever les paupières, … sauf, une fois l’an, quand les foules se pâmaient devant l’icône sacrée, promenée dans l’éblouissement rituel d’une procession solaire. Puis arc-en-ciellisée de nostalgie par les paroissiennes qui trouvaient dans ses larmes la preuve du Paradis.


De même avec la Venus d’Urbino sensuellement caressée par le pinceau du Titien pour inciter la belle de son commanditaire à se masturber et jouir au plus intime d’une alcôve dans la perspective de procréer de plus divins enfants…[[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(R 1)'']].
De même avec la Venus d’Urbino sensuellement caressée par le pinceau du Titien pour inciter la belle de son commanditaire à se masturber et jouir au plus intime d’une alcôve dans la perspective de procréer de plus divins enfants…[[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(R 1)'']].


'''Croque-morts ou arrache-coeurs'''
'''Croque-morts ou arrache-cœurs'''


Jusqu’au jour où ces vilains, ces matrones, ces prostituées ont été trucidés: arrachés d'abord à leur biotope par vol, rapine ou tromperie pour être marchandisés comme œuvres d’art ; pendus ensuite à un clou dans un de ces musées qui, dixit Malraux, les ont transformés en objets ; épitaphés enfin sur papier glacé dans un catalogue plus surement qu'au fond d’une fosse commune. Triple assassinat qui a évaporé leur charme. Et jamais perpétré aussi impunément que par les Musées des Beaux-Arts.
Jusqu’au jour où ces vilains, ces matrones, ces prostituées ont été trucidés: arrachés d'abord à leur biotope par vol, rapine ou tromperie pour être marchandisés comme œuvres d’art ; pendus ensuite à un clou dans un de ces musées qui, dixit Malraux, les ont transformés en objets ; épitaphés enfin sur papier glacé dans un catalogue plus surement qu'au fond d’une fosse commune. Triple assassinat qui a évaporé leur charme. Et jamais perpétré aussi impunément que par les Musées des Beaux-Arts.
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'''De la beauté des cadavres'''
'''De la beauté des cadavres'''


Et pourtant, je le confesse, j’adore méditer dans les cimetières, y flairer l’encens de rites oubliés, romantiser les sources de lumière dont je devine les ombres. Et je jalouse ces autres mortels qui ont su, avec autant de passion ou de fureur, créer du sens, questionner la finalité de l'existence, se transcender. Je vénère ces sauvages qui sublimaient des bouts de bois en totems de terreur et de vénération, métamorphosaient un lieu banal en mi-lieu du monde, ritualisaient de l’éphémère en boucles de temps… donnaient vie et insufflaient âme à des mottes d’argile et des blocs de pierre. Je vibre de plus d'humanité par la grâce de ces artisans, inspirés ou délirant comme la Pythie, qui nimbent ma réalité d’une pluralité de sens poétiques, fissurent la muraille de mes préjugés, m'ouvrent des abymes où je vascille... pour m'envoiler.
Et pourtant, je le confesse, j’adore méditer dans les cimetières, y flairer l’encens de rites oubliés, romantiser les sources de lumière dont je devine les ombres. Et je jalouse ces autres mortels qui ont su, avec autant de passion ou de fureur, créer du sens, questionner la finalité de l'existence, se transcender. Je vénère ces sauvages qui sublimaient des bouts de bois en totems de terreur et de vénération, métamorphosaient un lieu banal en mi-lieu du monde, ritualisaient de l’éphémère en boucles de temps… donnaient vie et insufflaient âme à des mottes d’argile et des blocs de pierre. Je vibre de plus d'humanité par la grâce de ces artisans, inspirés ou délirant comme la Pythie, qui nimbent ma réalité d’une pluralité de sens poétiques, fissurent la muraille de mes préjugés, m'ouvrent des abymes où je vacille... pour m'envoiler.


Dois-je pour autant en être redevable aux muséologues qui se sont autorisés à crucifier dans leurs mouroirs les avatars de mes maitres disparus? Même si je reconnais que ces tristes pis-allers sont nécessaires pour protéger d'autres vandales les trésors dévalués et les reliques démystifiées de modes de vie étouffés; si j'espère qu'elles fertiliseront, dans l'esprit de nouveaux apprentis-sorciers, de plus éternels chefs-d'oeuvre; si je me contente - parfois - de pouvoir m'y presser avec nombre de mes semblables pour frémir en solitaire.
Dois-je pour autant en être redevable aux muséologues qui se sont autorisés à crucifier dans leurs mouroirs les avatars de mes maitres disparus? Même si je reconnais que ces tristes pis-allers sont nécessaires pour protéger d'autres vandales les trésors dévalués et les reliques démystifiées de modes de vie étouffés; si j'espère qu'elles fertiliseront, dans l'esprit de nouveaux apprentis-sorciers, de plus éternels chefs-d'œuvre; si je me contente - parfois - de pouvoir m'y presser avec nombre de mes semblables pour frémir en solitaire.


'''La fortune des faiseuses d'anges'''
'''La fortune des faiseuses d'anges'''
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Premier symptôme de la contagion: n’importe quoi étant auréolé œuvre d’art, l’acte de consommer n’importe quoi se transcende en rituel d’essence artistique… Les grands magasins n’étaient-ils pas déjà, pour Andy Warhol, un peu comme des musées ([[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''C 8'']]) ? Et pour son complice Joseph Beuys, tout le monde - n’importe quel consommateur – n’est-il pas artiste en puissance?
Premier symptôme de la contagion: n’importe quoi étant auréolé œuvre d’art, l’acte de consommer n’importe quoi se transcende en rituel d’essence artistique… Les grands magasins n’étaient-ils pas déjà, pour Andy Warhol, un peu comme des musées ([[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''C 8'']]) ? Et pour son complice Joseph Beuys, tout le monde - n’importe quel consommateur – n’est-il pas artiste en puissance?


Deuxième symptôme: la médiatisation évènementielle des mégashows culturels infuse, au sein de la population, l’acceptation passive de la marchandisation-standardisation-vulgarisation de son cadre de vie. Sa laideur et sa monotonie se digèrent mieux dans la perspective, comme au-delà d'une vallée de larmes, que la quintessence de la beauté sera à jamais technicolorisée dans un bosquet sacré, un Hollywood d'accès payant. Qu'attend-on pour en expulser les marginaux cramponés à ce qui est passé de mode et a basculé dans la décharge de l’histoire?
Deuxième symptôme: la médiatisation évènementielle des mégashows culturels infuse, au sein de la population, l’acceptation passive de la marchandisation-standardisation-vulgarisation de son cadre de vie. Sa laideur et sa monotonie se digèrent mieux dans la perspective, comme au-delà d'une vallée de larmes, que la quintessence de la beauté sera à jamais technicolorisée dans un bosquet sacré, un Hollywood d'accès payant. Qu'attend-on pour en expulser les marginaux cramponnés à ce qui est passé de mode et a basculé dans la décharge de l’histoire?


Troisième symptôme : Comme l'a observé Romain Gary, un lien de filiation unit les mondes ecclésiastique et muséologique. Succédant aux évêques, curés et sacristains qui intercédaient pour les fidèles auprès du Très Haut, des archéologues du futur antérieur, critiques en contestations consensuelles et guides d’avant-garde académisée font de la médiation, catéchissant les "manifestations" des créateurs contemporains, plus auréolés que les saints d’antan. Ces hérauts de l'industrie culturelle, distillant de l’art pour l’art pour les riches et éventant de leurs ailes argentées une trop triviale réalité, dorent la pilule opiacée qui audiomassifie le bon peuple. Ces stars du system enfreignent tabous et lois en vertu du sacro-saint principe de la liberté d’expression et de leur appartenance à la dernière aristocratie [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(C 9)'']] et tirent leur titre de gloire de miraculeux scandales et de divines provocations pour être canonisés à l’ombre du veau d'or. Résignant le vulgus pecus à n’être que pénitents processionnant dans les MAM et y encenser la société de consommation-spectacle-loisir pétrolant dans l’obsolescence néo-libérale.
Troisième symptôme : Comme l'a observé Romain Gary, un lien de filiation unit les mondes ecclésiastique et muséologique. Succédant aux évêques, curés et sacristains qui intercédaient pour les fidèles auprès du Très Haut, des archéologues du futur antérieur, critiques en contestations consensuelles et guides d’avant-garde académisée font de la médiation, catéchisant les "manifestations" des créateurs contemporains, plus auréolés que les saints d’antan. Ces hérauts de l'industrie culturelle, distillant de l’art pour l’art pour les riches et éventant de leurs ailes argentées une trop triviale réalité, dorent la pilule opiacée qui audio massifie le bon peuple. Ces stars du system enfreignent tabous et lois en vertu du sacro-saint principe de la liberté d’expression et de leur appartenance à la dernière aristocratie [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(C 9)'']] et tirent leur titre de gloire de miraculeux scandales et de divines provocations pour être canonisés à l’ombre du veau d'or. Résignant le vulgus pecus à n’être que pénitents processionnant dans les MAM et y encenser la société de consommation-spectacle-loisir pétrolant dans l’obsolescence néolibérale.


Petit malaise connexe: l'amplification de la fonction de rétention plus que de monstration chez les MAM respectables qui n’exhibent qu’une partie de leurs "bijoux", pointe d’un iceberg dont la masse se congèle dans les caves. Un spéculateur cherchant à échauffer les enchères ne ferait pas mieux. <br>
Petit malaise connexe: l'amplification de la fonction de rétention plus que de monstration chez les MAM respectables qui n’exhibent qu’une partie de leurs "bijoux", pointe d’un iceberg dont la masse se congèle dans les caves. Un spéculateur cherchant à échauffer les enchères ne ferait pas mieux. <br>
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Et que l'on amuse un vilain petit canard qui vous demande pourquoi une ville qui compte plus de 100 musées (rebaptisés palais, brasseries, ateliers… situés dans Bruxelles ou à moins d’une heure en train et dont la plupart spécifiquement dédiés aux arts moderne et contemporain) est en manque d'un 100 et énième.&nbsp;Pour plaire à une infime minorité de rentiers, pensionnés, touristes et "marchands du temple" (qui y étaient venus surtout - seulement&nbsp;? - pour manifester) ou snober les 99&nbsp;% de la population bruxelloise qui ignore qu'il y avait hier et se fout qu’il y ait demain un MAM? Parce que le club des lécheurs de pinceaux et de culs friqués est en manque d’un boudoir? Parce que les innombrables avatars de Picasso [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(C 11)'']], qui se vantait de pouvoir, à lui seul, remplir un MAM, sont sans abri? Parce que les étudiants sédentaires des écoles des Beaux-Arts ne disposent que d'hectomètres de catalogues [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(R 12)'']] pour ne pas apprendre, à la mode d'Ingres, les mêmes recettes que leurs pères&nbsp;?
Et que l'on amuse un vilain petit canard qui vous demande pourquoi une ville qui compte plus de 100 musées (rebaptisés palais, brasseries, ateliers… situés dans Bruxelles ou à moins d’une heure en train et dont la plupart spécifiquement dédiés aux arts moderne et contemporain) est en manque d'un 100 et énième.&nbsp;Pour plaire à une infime minorité de rentiers, pensionnés, touristes et "marchands du temple" (qui y étaient venus surtout - seulement&nbsp;? - pour manifester) ou snober les 99&nbsp;% de la population bruxelloise qui ignore qu'il y avait hier et se fout qu’il y ait demain un MAM? Parce que le club des lécheurs de pinceaux et de culs friqués est en manque d’un boudoir? Parce que les innombrables avatars de Picasso [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(C 11)'']], qui se vantait de pouvoir, à lui seul, remplir un MAM, sont sans abri? Parce que les étudiants sédentaires des écoles des Beaux-Arts ne disposent que d'hectomètres de catalogues [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(R 12)'']] pour ne pas apprendre, à la mode d'Ingres, les mêmes recettes que leurs pères&nbsp;?


Mais qui peut croire, en cette période de crise sécularisée, qu'un budget extraordinaire tombera des nues pour qu’un MAM s’élève au ciel de la métropole européenne?&nbsp;Que son budget de fonctionnement (et d’acquisition) ne sera pas, comme celui des MRBAB, minable? Que pour asseoir un minimum sa crédibilité, il ne devra pas, à l'instar des MAC’s, SMAK et consorts, courtiser les vedettes internationales plutôt que les "belgische ambachtelijke kunstenaars" [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(C 13)'']]&nbsp;? Qu’il n’apparaitra jamais comme un minus-habens face aux VanHaerentsArtCollection, Maison Particulière et autres Fondation Pinault&nbsp;? Et qu’il ne cautionnera pas les délires néo-libéraux de l’art contemporain, alibi excitant la phosphorescence élitiste d'une ploutocratie, repoussoir des étoiles du marché de l'art au pied desquelles Mr et Mde Tout Le Monde se résignent à être quelconques, fonds de garantie amortissant les faillites des spéculateurs sur le bon dos des contribuables?<br>
Mais qui peut croire, en cette période de crise sécularisée, qu'un budget extraordinaire tombera des nues pour qu’un MAM s’élève au ciel de la métropole européenne?&nbsp;Que son budget de fonctionnement (et d’acquisition) ne sera pas, comme celui des MRBAB, minable? Que pour asseoir un minimum sa crédibilité, il ne devra pas, à l'instar des MAC’s, SMAK et consorts, courtiser les vedettes internationales plutôt que les "belgische ambachtelijke kunstenaars" [[Remarques relatives au texte sur le MAM Mortifère|''(C 13)'']]&nbsp;? Qu’il n’apparaitra jamais comme un minus-habens face aux VanHaerentsArtCollection, Maison Particulière et autres Fondation Pinault&nbsp;? Et qu’il ne cautionnera pas les délires néolibéraux de l’art contemporain, alibi excitant la phosphorescence élitiste d'une ploutocratie, repoussoir des étoiles du marché de l'art au pied desquelles Mr et Mde Tout Le Monde se résignent à être quelconques, fonds de garantie amortissant les faillites des spéculateurs sur le bon dos des contribuables?<br>


'''Pour l'Amour de Vivre&nbsp;?'''
'''Pour l'Amour de Vivre&nbsp;?'''

Version du 7 mars 2012 à 21:44

   Texte provisoire... en gesine... et donc ouvert à toutes critiques et suggestions

                                             

                                                            POUR UNE VILLE-MUSÉE RÉCRÉATRICE
                                                    CONTRE UN MUSÉE D’ART MODERNE MORTIFÈRE


                                                                                                                    L'église est menacée, alors, tout doucement, on prépare
                                                                                                                                             le musée pour assurer la relève de ces fumeries d'opium.
                                                                                                                                                                                                          Romain Gary

                                                                                                                                                         Comment être ou ne pas être, quand on a perdu
                                                                                                                                                                                la foi, de bonne et mauvaise foi ?

                                                                                                                                                                                         Krépuscula Kochmarsky


Vie et mort des esprits

Un fétiche clouté n’est pas une curiosité à admirer en esthète, sous une douche d’halogènes, plus inoffensif dans sa cage vitrée qu’une bête de cirque derrière les barreaux. C'est un génie capable d’attirer la foudre, exalter la présence des dieux parmi les hommes, induire chez ces singes la puissance démiurge. Se manifestant à l’appel des tambours dans la palpitation des torches, il danse et vole au dessus du sorcier, frappant les imaginations d’autant mieux qu'il est mal vu, imprévisible, indéfinissable… infini. Qui ose le fixer sans être initié, risque la cécité, de ne jamais voir s’ouvrir son troisième œil.

Il en a été de même pour quelques vierges noires irradiées par la lueur tremblante de bougies votives dans le pénombre d’une chapelle et au pied desquels, à genoux, on osait à peine lever les paupières, … sauf, une fois l’an, quand les foules se pâmaient devant l’icône sacrée, promenée dans l’éblouissement rituel d’une procession solaire. Puis arc-en-ciellisée de nostalgie par les paroissiennes qui trouvaient dans ses larmes la preuve du Paradis.

De même avec la Venus d’Urbino sensuellement caressée par le pinceau du Titien pour inciter la belle de son commanditaire à se masturber et jouir au plus intime d’une alcôve dans la perspective de procréer de plus divins enfants…(R 1).

Croque-morts ou arrache-cœurs

Jusqu’au jour où ces vilains, ces matrones, ces prostituées ont été trucidés: arrachés d'abord à leur biotope par vol, rapine ou tromperie pour être marchandisés comme œuvres d’art ; pendus ensuite à un clou dans un de ces musées qui, dixit Malraux, les ont transformés en objets ; épitaphés enfin sur papier glacé dans un catalogue plus surement qu'au fond d’une fosse commune. Triple assassinat qui a évaporé leur charme. Et jamais perpétré aussi impunément que par les Musées des Beaux-Arts.

Avec, inutile de la nier, la complicité de capitalistes anxieux d’embaumer tout mode d'exaltation moins artificiel que celui que met pour l'instant en vogue leur vénalité. Amnistiant donc tous ces "serial killers" d’utilité occidentalo-centriste et distribuant des aumônes pour postposer l’inéluctable pulvérisation de leurs victimes. Tolérant même la prolifération de catacombes où thésauriser des amphores grecques, gravures japonaises, bouddhas hindous pour les mordus d'amphores grecques, gravures japonaises, bouddhas hindous. Censurant par contre l'évocation de civilisations qui ont fleuri sans disposer des mots "artiste" ou "beaux-arts" ou "musée" ; occultant l’essence gratuite et éphémère du plaisir qui a poussé des communautés a voluptueusement sacrifié leurs "sources de beauté éternelle au mythe de l'éternel retour; oubliant que la majorité de l’humanité survivra, créera et continuera à siffler sans jamais aller au musée.

Qui s'étonnera que quelques fous déchirés par les pulsions contradictoires de ne rien désirer et de tout voir, tout avoir, y jouent aux provocateurs? Égarés dans un désert qui, ne cachant plus de puits, a perdu toute beauté, se retrouvant autistes dans un brouhaha médiatique qui rend le silence et ses secrets inaudibles, comment ne s'imagineraient-ils pas agressés par des muséologues payés pour tout donner à voir (R 2)?

Par exemple "L’Origine du Monde" qu’un trio de pervers avait dissimulée derrière un paravent pour la dérober aux regards des quidams et exceptionnaliser ainsi son exhibition… mais devant laquelle quiconque, muni d’un ticket poinçonné, peut dorénavant s’extasier, sans se préoccuper du gardien qui baille… ou sait qu’il pourra le faire quand il montera à Paris, pénétré de la certitude qu’elle y est incarcérée pour l’éternité (C 3). Ne fantasmant plus dès lors sur son inexistence ou son immanence, ni ne l’imaginant rousse, ou enceinte, ou plus créole que la très chère de Baudelaire: Pauvre chatte qui a gagné en froide objectivité ce qu’elle a perdu en chaleureux mystère (R 4).

De la beauté des cadavres

Et pourtant, je le confesse, j’adore méditer dans les cimetières, y flairer l’encens de rites oubliés, romantiser les sources de lumière dont je devine les ombres. Et je jalouse ces autres mortels qui ont su, avec autant de passion ou de fureur, créer du sens, questionner la finalité de l'existence, se transcender. Je vénère ces sauvages qui sublimaient des bouts de bois en totems de terreur et de vénération, métamorphosaient un lieu banal en mi-lieu du monde, ritualisaient de l’éphémère en boucles de temps… donnaient vie et insufflaient âme à des mottes d’argile et des blocs de pierre. Je vibre de plus d'humanité par la grâce de ces artisans, inspirés ou délirant comme la Pythie, qui nimbent ma réalité d’une pluralité de sens poétiques, fissurent la muraille de mes préjugés, m'ouvrent des abymes où je vacille... pour m'envoiler.

Dois-je pour autant en être redevable aux muséologues qui se sont autorisés à crucifier dans leurs mouroirs les avatars de mes maitres disparus? Même si je reconnais que ces tristes pis-allers sont nécessaires pour protéger d'autres vandales les trésors dévalués et les reliques démystifiées de modes de vie étouffés; si j'espère qu'elles fertiliseront, dans l'esprit de nouveaux apprentis-sorciers, de plus éternels chefs-d'œuvre; si je me contente - parfois - de pouvoir m'y presser avec nombre de mes semblables pour frémir en solitaire.

La fortune des faiseuses d'anges

Mais si je m'accepte nécrophage, je me refuse cannibale et m'oppose donc à ceux qui rêvent d'enterrer les vivants! Á ces MAM (Musée d'Art Moderne - R 5) qui, en froides faiseuses d'ange, stérilisent un art en gestation, n'objectifient que des fausse-couches, ne formolisent en leurs bocaux que des fœtus morts-nés. Profiteurs d’une muséographie qui nous habitue curieusement à une "culture patrimoniale" (C 6), ils offrent à la plupart des créations recentes le fabuleux destin de passer de la tour d’ivoire de leurs conceptualisateurs à des cimaises de musée sans jamais se tacher de quotidien, polluer de sang rouge, saouler de liberté. Ah l’immortel destin que de mourir avant que de n'avoir vécu!

Mais quelles perspectives d'avenir une civilisation qui momifie son présent peut-elle offrir à sa jeunesse? Quel droit à la contestation, quelle échappatoire vers des ailleurs lui concède-t-elle ? Les politiques ont la réponse qui financent les MAM afin de pérenniser le système qui les supporte: rien de plus louable pour neutraliser un graffiti contestataire que de le récupérer en l’encadrant comme une anomalie dans un cube aussi blanc que psychiatrique; et rien de plus honorable pour apprivoiser 100.000 révolutionnaires que d’en faire 100.000 artistes subventionnés (R 7) ! Avec promesse, pour leur pension, d'une rétrospective au MAM!

L'art est un produit pharmaceutique pour imbéciles (Picabia)

Et que l'on n'aille pas prétendre que le rôle mortifère des MAM se confine à quelques hospices pour plasticiens où le temps suspendrait son vol. Leur lèpre contamine toute la clientèle de la société du spectacle. Car si, abusant du constat de Malraux, les vieux musées transforment les œuvres en objets, les jeunes « pousse-toi d'là qu’j’m’y met’ » ont le truc pour gazéifier n’importe quel objet en artefact : de l’urinoir à la merde d’artiste en passant par le tas de charbon ou de bonbons, le socle pour sculpture sans sculpture, le cadre vide sans titre, le vide signé… au point que les ménagères de ces lieux prestigieux peinent à ne pas les confondre avec des déchetteries.

Premier symptôme de la contagion: n’importe quoi étant auréolé œuvre d’art, l’acte de consommer n’importe quoi se transcende en rituel d’essence artistique… Les grands magasins n’étaient-ils pas déjà, pour Andy Warhol, un peu comme des musées (C 8) ? Et pour son complice Joseph Beuys, tout le monde - n’importe quel consommateur – n’est-il pas artiste en puissance?

Deuxième symptôme: la médiatisation évènementielle des mégashows culturels infuse, au sein de la population, l’acceptation passive de la marchandisation-standardisation-vulgarisation de son cadre de vie. Sa laideur et sa monotonie se digèrent mieux dans la perspective, comme au-delà d'une vallée de larmes, que la quintessence de la beauté sera à jamais technicolorisée dans un bosquet sacré, un Hollywood d'accès payant. Qu'attend-on pour en expulser les marginaux cramponnés à ce qui est passé de mode et a basculé dans la décharge de l’histoire?

Troisième symptôme : Comme l'a observé Romain Gary, un lien de filiation unit les mondes ecclésiastique et muséologique. Succédant aux évêques, curés et sacristains qui intercédaient pour les fidèles auprès du Très Haut, des archéologues du futur antérieur, critiques en contestations consensuelles et guides d’avant-garde académisée font de la médiation, catéchisant les "manifestations" des créateurs contemporains, plus auréolés que les saints d’antan. Ces hérauts de l'industrie culturelle, distillant de l’art pour l’art pour les riches et éventant de leurs ailes argentées une trop triviale réalité, dorent la pilule opiacée qui audio massifie le bon peuple. Ces stars du system enfreignent tabous et lois en vertu du sacro-saint principe de la liberté d’expression et de leur appartenance à la dernière aristocratie (C 9) et tirent leur titre de gloire de miraculeux scandales et de divines provocations pour être canonisés à l’ombre du veau d'or. Résignant le vulgus pecus à n’être que pénitents processionnant dans les MAM et y encenser la société de consommation-spectacle-loisir pétrolant dans l’obsolescence néolibérale.

Petit malaise connexe: l'amplification de la fonction de rétention plus que de monstration chez les MAM respectables qui n’exhibent qu’une partie de leurs "bijoux", pointe d’un iceberg dont la masse se congèle dans les caves. Un spéculateur cherchant à échauffer les enchères ne ferait pas mieux.

Un enterrement à répétition

Le vernissage, en 1984, du petit MAM de la bonne ville de Bruxsel a confirmé l’ampleur de l’épidémie. Ce qui a poussé un ouvrier en salopette, pendant que le roi des belges, une foule de ses ministres et l’écume de la nation champagnaient, a descendre dans la fosse et apposer sur son mur des lamentations une pierre tombale dont l’épitaphe "Ci-gît l'Art Moderne Belge" était profanée par le graffiti "Vive l'Art de Vivre".

Le brave avait tort puisqu’il avait raison trop tôt (C 5) : il fallut attendre près de 30 ans, jusqu'en février 2011, avant qu’un conservateur en mal de dividendes culturels n’officialise l’acte de décès. Éplorés, quelques dizaines d’artistes, galeristes et professeurs d’art, une centaine à tout casser - l’avant-garde d’un bataillon? – se retrouvèrent chaque premier mercredi du mois pour prier en faveur de sa résurrection (en présence, il est vrai, de quelques athées). L’émoi à répétition de ces indignés - beaucoup défendaient leur carré blanc sur fond blanc - suscita quelques échos dans la presse, poussant un quarteron de chevaliers d'entreprise et barons des finances à promettre de sponsoriser, pour après 2026, la réincarnation du défunt dans un Guggenheim bruxellois. Généreusement conscients qu’un musée est aux œuvres d’art des collectionneurs ce que la bourse est aux placements des spéculateurs.

L'agitation perdura. Au point qu'à la 11ème veillée mortuaire du Musée sans Musée couplée avec la remise d'une pétition signée par 2.644 personnes (R 10), le Ministre de la Politique Scientifique découvrit des milliers de mètres cube vides au fond des Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB) : sépulture néanmoins jugée insuffisante, vu la renommée du trépassé, par le Ministre qui promit un mausolée. Nouvelle que l’agence Belga confirma le Mardi Gras quand la tradition veut que, derrière un masque de carton doré, l'on couvre sa belle de confettis comme de perles, lui cachant qu'elle devra, le lendemain, jeuner pendant 40 jours, des cendres au front.

Et que l'on amuse un vilain petit canard qui vous demande pourquoi une ville qui compte plus de 100 musées (rebaptisés palais, brasseries, ateliers… situés dans Bruxelles ou à moins d’une heure en train et dont la plupart spécifiquement dédiés aux arts moderne et contemporain) est en manque d'un 100 et énième. Pour plaire à une infime minorité de rentiers, pensionnés, touristes et "marchands du temple" (qui y étaient venus surtout - seulement ? - pour manifester) ou snober les 99 % de la population bruxelloise qui ignore qu'il y avait hier et se fout qu’il y ait demain un MAM? Parce que le club des lécheurs de pinceaux et de culs friqués est en manque d’un boudoir? Parce que les innombrables avatars de Picasso (C 11), qui se vantait de pouvoir, à lui seul, remplir un MAM, sont sans abri? Parce que les étudiants sédentaires des écoles des Beaux-Arts ne disposent que d'hectomètres de catalogues (R 12) pour ne pas apprendre, à la mode d'Ingres, les mêmes recettes que leurs pères ?

Mais qui peut croire, en cette période de crise sécularisée, qu'un budget extraordinaire tombera des nues pour qu’un MAM s’élève au ciel de la métropole européenne? Que son budget de fonctionnement (et d’acquisition) ne sera pas, comme celui des MRBAB, minable? Que pour asseoir un minimum sa crédibilité, il ne devra pas, à l'instar des MAC’s, SMAK et consorts, courtiser les vedettes internationales plutôt que les "belgische ambachtelijke kunstenaars" (C 13) ? Qu’il n’apparaitra jamais comme un minus-habens face aux VanHaerentsArtCollection, Maison Particulière et autres Fondation Pinault ? Et qu’il ne cautionnera pas les délires néolibéraux de l’art contemporain, alibi excitant la phosphorescence élitiste d'une ploutocratie, repoussoir des étoiles du marché de l'art au pied desquelles Mr et Mde Tout Le Monde se résignent à être quelconques, fonds de garantie amortissant les faillites des spéculateurs sur le bon dos des contribuables?

Pour l'Amour de Vivre ?

Alors qu’on devrait exiger des instances publiques, dans une dialectique démocratique et socialis(an)te, qu’elles promotionnent l’alternative d’un art public dont toute la population jouirait 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, vecteur de reliance et de convivialité, terreau d’une créativité vitalisée par les spécificités de son environnement, catalyseur d’un art de vivre proprement - et vulgairement - bruxellois.

Alors que Bruxsel pourrait se sublimer en Vil-Mus-D'A-Mo-Ré, ville-musée d'art moderne régénéré & réjouissant & révolutionnaire! Avec tous ses habitants, touristes et illégaux reconnus artistes bruxsellois modernes! Avec tout ce qui fait Bruxsel, du pavé de la Grand-Place à la tour de l’hôtel de ville en passant par le manneken-pis-tire-bouchon du Marché aux Puces et le nuage lourd de pluie au dessus de l’Atomium... certifié œuvre d’art bruxselloise moderne (R 14)!! Avec tous les événements se produisant dans Bruxsel, wouf-wouf politique ou miou-miou amoureux, promenade avec Milou ou défilé en tenue léopard, sieste crapuleuse ou visite chez MAM (R 15)… critiquable comme performance artistique bruxselloise moderne!!!

Alors que l'utopie est à construire, l'inimaginable à échafauder, l'horizon à dépasser... et, appliquant le conseil de Nietzsche, "contre l'art des œuvres d'art, découvrir un art supérieur: l'art de l'invention des fêtes"... L'AMOUR DE VIVRE! (R 16)


                                                                   Alors qu'attendez-vous pour agir :
                                                    Affirmez votre statut d’artiste moderne bruxsellois(e),
                                      Certifiez tout ce que vous touchez œuvre d'art moderne bruxselloise,
                             Performancez comme amateur ou détracteur éclairé d'art moderne bruxsellois


                                                                 et marrainez la Vil-Mus-D'A-Mo-Ré