Lettre au conservateur

De Paul Gonze
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Bruxelles, le 24 octobre 1984, à la veille de l’inauguration du Musée d'Art Moderne de Bruxelles


Á Madame le Commissaire de Police
du Musée Royal des Beaux-Arts
Á Monsieur le Conservateur en Chef
de la Ville de Bruxelles


Madame, Monsieur,


Conformément aux objectifs que lui fixent ses statuts (voir annexe 1), TOUT a pris la libre initiative de matérialiser « UN RÊVE POUR LA GLOIRE » dans le cadre des festivités d’inauguration du Nouveau Musée d’Art Moderne de Bruxelles.

Concrètement, un de nos rêveurs descendra en rappel le mur des lamentations de cette tombe fastueuse pour y apposer l’épitaphe « CI-GÎT L’ART MODERNE BELGE », portant en surimpression le graffiti « VIVE L’ART DE VIVRE » . Cette dalle funéraire, sculptée dans un voile de plastic transparent, sera, pour éviter tout dommage, fixée à l’aide d’autocollant double face. Simultanément, six couronnes mortuaires (voir annexe 2) seront jetées au fond du puits de lumière puis un faire-part de décès (voir annexe 3), sera distribué aux invités du vernissage, les priant de porter le deuil en tirant une mine de circonstance.

Comme vous sans doute, TOUT regrette que l’état de décomposition du cadavre l’ait obligé à réaliser la dalle funéraire à la va-vite et dans des matériaux peu susceptibles de braver le temps. Il s’offre donc, en concertation avec le Comité de Gestion du Musée, à la reproduire, pour l’anniversaire des funérailles, en tubes néon bleu-roi et rouge-sang.

Bien qu’incertain des conséquences qu’il y a, dans nos démocraties sclérosées, à affirmer que la fonction de l’art est de vitaliser les pulsions utopistes et non de les nécroser puis aseptiser dans des coffre-forts et des tours d’ivoire, TOUT vous prie de croire, Madame le Commissaire, Monsieur le Conservateur, en la réalité de sa rêveuse considération.


Pour TOUT


Son Valet des rêves
Franz DESRÊVEUX